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Podcast Invités : rencontre avec Jean-Bernard Galvès, spécialiste des requins à la Réunion

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Ceci est le podcast n°001 de la rubrique Invités de Dans nos bulles  : rencontre avec Jean-Bernard Galvès, spécialiste des requins à la Réunion

Mais qui est Jean- Bernard Galvès?

Un spécialiste des requins. Un passionné. Un amoureux de la nature et de la mer.

Une personnalité engagée, qui fait parfois débat, précisément pour cet engagement.

Il est aussi le porte parole d’associations elles aussi engagées « Le Collectif des associations Sea Shepherd, Aspas, Longitude 181, Sauvegarde des requins, One Voice, Tendua, Vagues et Requin Intégration ».

Il vit à la Réunion, une île meurtrie par des attaques de requins bouledogues

Pour Dans nos bulles, Jean- Bernard Galvès revient sur son engagement dans la défense des requins à la Réunion

Il nous livre des anecdotes touchantes. Et se confie en toute sincérité, en nous faisant partager avec passion son engagement, ses connaissances, son expertise.

 

Retranscription de l’interview de Jean-Bernard Galvès

Et pour ceux qui n’aiment pas les PODCASTS mais préfèrent lire… Voici ma retranscription intégrale de cette interview :

Quelques mots  avant de commencer l’entretien…

« Pardonnez-moi, car je ne suis pas journaliste du tout ! Même si je suis dans la communication, ce n’est pas mon job. Je suis juste une passionnée de plongée et je suis amie avec François Repecaud qui m’a mise en contact avec Jean-Bernard Galvès. Je le remercie vraiment beaucoup d’avoir ménagé cette entrevue, parce que je suis quand même assez flattée de l’avoir en vidéo. 

Mon petit blog est pour l’instant très modeste, mais j’avais envie de faire justement une petite rubrique podcast pour intéresser un peu plus les gens. Parce que l’écrit c’est bien, mais les gens lisent de moins en moins et, du coup, ça a quand même tout son intérêt. 

Voilà, alors je vous pose mes questions, et puis après c’est à vous de développer comme vous le souhaitez. On se donne 20 ou 25 minutes si ça vous va ?

Oui, comme vous voulez. »

Anne : Allez on attaque ! En quelques mots, Jean-Bernard Galvès, vous êtes une référence dans le monde des requins. De la préservation de l’écosystème marin par le biais de toutes vos actions au service des requins.

Est-ce que vous pouvez d’abord vous présenter et nous faire part de votre parcours en tant qu’individu, que plongeur et que personne engagée en faveur de l’environnement ?

Actuellement, je vis à la Réunion. J’ai 65 ans et j’ai commencé à plonger et à découvrir les requins dans les années 1970, quand j’avais 15 ans à Djibouti. Donc à l’époque, c’était pour la pêche et j’aimais pêcher le requin. Par la suite, petit à petit, dans la chasse sous-marine et dans la plongée où j’ai de plus en plus côtoyé ces animaux. Voilà ! Donc une certaine pratique de ces bestioles, il y a déjà pas mal d’années, ce qui m’a servi par la suite dans des reportages des missions scientifiques. Quand il y a eu cette crise du requin à la Réunion, il y a des associations qui sont venues me demander d’intervenir pour essayer d’empêcher les stupidités le massacre qui allait en découler.

Pouvez-vous nous citer ces associations ?

Et bien en particulier, ça a été par Sea Shepherd que j’ai été contacté à l’époque. Il y avait la ASPAS, la fondation Bardot à l’époque (elle n’est plus tout à fait là-dedans maintenant). Puis d’autres associations comme Longitude 181, et puis d’autres plus petites locales. J’ai vu les représentants de ces associations, et on a fait tout ce qu’on a pu pour essayer de s’opposer à cette pêche au requin à la Réunion.

Alors au départ vous étiez donc pêcheur, c’est ce que vous avez expliqué… ?

Ça a été retracé dans un documentaire d’ailleurs, cette carrière qui m’a permis de découvrir ces animaux et puis, petit à petit, de prendre conscience. Avec les années, le monde a évolué. Malheureusement, pas forcément dans le bon sens de la fragilité de cet environnement. À l’époque, on pêchait et on trouvait ça normal. On chassait et on allait prélever dans la mer. Et puis, avec les années qui sont venues, vous constatez que le monde magnifique que vous avez connu et que vous avez massacré, on va bien le dire, et bien il a beaucoup changé par notre action. À un moment, vous vous dites : « Mais il faut préserver le peu de choses qui reste quoi ! ». De la chasse, du prélèvement qu’on faisait sur la mer à un moment, on passe à la conservation et on a envie de conserver, pour les générations futures et pour nous-mêmes, un milieu tel qu’on a pu le connaître.

Il y a eu un déclic dans cette prise de conscience et c’était une rencontre avec un requin-baleine, je crois ?

Ah oui ! C’est-à-dire, c’était une rencontre.. Si vous voulez, le déclic il ne s’est pas fait en un seul coup. Ça a plutôt été une évolution progressive. D’abord, on parle de la pêche. Et petit à petit, on prend conscience de cet impact. Mais c’est vrai que ça a été un moment magique que cette rencontre avec un beau requin-baleine, une belle bête ! Bon, on vous dit qu’il ne faut pas toucher les animaux… Mais là, cette bestiole est venue au contact, elle était demandeuse de câlins en fait ! On fait de l’anthropomorphisme si vous voulez. Elle était couverte de rémoras et puis j’étais un gros nettoyeur on va dire. Elle ne me lâchait plus, parce que quand je la grattais, on voyait des frissons partir de l’animal à partir de l’endroit du grattage. Et elle ne me lâchait vraiment plus ! 

Elle venait en réclamer de plus en plus, jusqu’à me chercher en surface. Et donc elle m’a assimilé à un gros nettoyeur qui la soulageait on va dire. Et puis un animal de cette taille qui faisait à peu près 8 mètres (c’est déjà gros, la plupart de ceux qu’on voit font entre 5 et 6 mètres). Vous voyez un frisson qui part le long de l’animal à partir de l’endroit où vous caresser. Vous dites : « Mais attendez, c’est vivant ! Ce n’est pas un caillou, ce n’est pas un bateau (malgré la taille). » Après, vous ne voulez plus qu’on fasse de mal à ces bestioles, c’est certain ! Ça a été la conclusion d’un parcours personnel de la chasse vers la conservation. C’était plutôt la conclusion qu’un déclic ! 

Anne : Je l’ai eu moi aussi, en accéléré ! Parce que j’ai commencé à plonger très tard, en 2011. Quand je suis retournée plonger sur les mêmes spots 5 ans après, j’ai constaté la désertification, en seulement 5 ans. Je me suis dit alors qu’il fallait faire plein de choses, il faut sensibiliser les gens ! J’ai aussi plongé avec des requins-baleines, alors je comprends ce que vous dites, vraiment.

Les requins-baleines, on les voit assez facilement à Madagascar et je les côtoie régulièrement encore. Maintenant, celui-là, c’était rester vraiment une rencontre magique ! Et puis vous, vous parlez de 5 ans. Moi, je vous parle de 50 ans ! Donc vous imaginez la différence entre 1970 et maintenant. Ce qu’est devenu le monde en 50 ans… À l’époque, la plongée était quelque chose de très marginal, les gens en faisaient très peu. 

C’est l’évolution qu’ont eue les Cousteau et autres. On est rentré dans ce monde (ils avaient quelques décennies d’avance), un monde préservé et puis un instinct de prédateur à l’époque qui était dans les mœurs. Et puis petit à petit, cette prise de conscience, les gens de ma génération l’ont beaucoup connue. Le problème, c’est que les gens qui arrivent après continuent à prélever, parce qu’ils voient un monde où il y a encore quelques bestioles, alors on va les tuer. Et puis il leur faut aussi ce temps-là, et oui il faut refaire le parc.

Avez-vous des actions phares en ce moment  ? 

Si vous voulez, les choses à la Réunion ont été mises en place et, je veux le dire, c’est carrément une espèce d’escroquerie cette pêche au requin. C’est-à-dire que les gens qui ont lancé la pêche en sont les premiers bénéficiaires financiers, et cette pêche à la Réunion ne repose sur rien. Rien de scientifique là-dedans, rien de valable ! On s’est mis à proposer de la pêche en sachant que ça ne fonctionnait pas. 

Le problème à la Réunion, c’est quelques requins-bouledogue. C’est un problème de requin-bouledogue, pas de requin-tigre ou pas d’autres espèces. On ne sait d’ailleurs pas vraiment bien les pêcher les requins-bouledogues et on ne sait même pas s’ils sont sédentaires. Donc il n’y a aucun impact ! Vous pêchez, mais les bestioles peuvent revenir d’ailleurs et remplacer celles qui étaient là avant. Donc tant qu’ils n’ont pas vidé l’océan Indien, ils ne peuvent pas le savoir. Ils n’ont pas d’efficacité et actuellement on est en train de verser de l’argent en continu à quelques personnes pour pêcher. Mais comme ils ne savent pas pêcher le requin-bouledogue, ils pêchent du requin-tigre, dont les dernières études de la génétique ont montré que cette espèce était particulièrement menacée. 

De plus, le tigre est un animal qui circule dans tous les océans. Donc on les attire à la Réunion et on les massacre ! Ce n’est pas eux qui sont impliqués dans les accidents et on pêche, on pêche, on pêche… Ce qu’il faut savoir, c’est que ça rapporte beaucoup d’argent à certaines personnes. D’ailleurs, ça ne sert qu’à ça la pêche à la Réunion. Elle sert à rapporter de l’argent à quelques personnes et ce sont les personnes qui ont lancé cette pêche. 

Donc avec 6 chiffres actuellement, je vous le dis (les gens ne sont pas encore au courant), nous avons lancé une action et le parquet financier a accepté de s’en saisir. Il y a de telles magouilles sur la pêche au requin à la Réunion, que le parquet financier s’en est saisi. On est sorti du système. Si vous voulez, les règles n’ont pas été respectées. Que ça concerne les appels ou quoi que ce soit, on a mis en place un système de pêche qui n’a aucun impact sur la sécurité. Au contraire, on rajoute des appâts à proximité des plages, donc on attire les requins à proximité des plages ! 

On pêche n’importe quoi, essentiellement des espèces menacées comme le requin-marteau. On a pêché beaucoup plus de requins-marteaux que de requins-bouledogue ces derniers temps et le requin-marteau, une fois qu’il a été péché, subit un tel stress qu’il ne survit pas. Ça a été montré, il ne survit pas à la capture et au relâchement ! On a aussi pêché beaucoup de requins-nourrices, en danger critique d’extinction et des requins-guitares. Ils ne pêchent que des choses qui sont menacées et ils font de l’argent sur le tigre, qui n’est pas impliqué dans les accidents et qui circule. Mais ils pêchent très peu de bouledogues !

Il y a un réseau énorme autour de cet argent et ça va beaucoup plus loin que ça. C’est une énorme affaire de détournement d’argent ! La pêche au requin à la Réunion ne sert qu’à ça, c’est un détournement d’argent à grande échelle et c’est la petite partie visible de l’iceberg. Dans un gros système de détournement de fonds, européen principalement, la pêche au requin est quelque chose de marginal à la Réunion. C’est une grosse affaire qui est beaucoup plus importante. 

Le parquet financier a accepté de s’en saisir et a commencé ses enquêtes à la Réunion. On espère que ça aboutira à quelque chose. Il faut qu’on leur apporte du solide et ça a été le cas ! C’est l’action principale qui est en cours, parce qu’à la Réunion, le système est tellement mis en place qu’il n’y a plus grand-chose à faire. Les personnes qui sont impliquées là-dedans, dans cette protection, cette défense des requins, ont subi énormément de menaces. Vous n’imaginez pas, cela venait seulement de quelques pêcheurs et de quelques personnes qui profitent de ce système financier. C’est tout ! 

La plupart des Réunionnais ont été opposés. Quand le préfet a fait l’enquête préalable à la pêche dans la réserve, il l’a faite après que nous ayons saisi les tribunaux, après qu’ils aient été condamnés par les tribunaux à faire cette enquête d’utilité publique qui se fait avant avoir une pêche de ce genre. Il y a plus de 10 000 Réunionnais qui ont répondu ne pas vouloir de la pêche. 95 ou 98 % des Réunionnais ont refusé la pêche et malgré ça, la pêche a été imposée. Contre les avis des scientifiques et contre tous les avis. Seules les quelques personnes qui en sont bénéficiaires ont donné leur avis et ont imposé ce choix. Donc effectivement, c’est extrêmement corrompu autour de la pêche à la Réunion. 

On va revenir à cette affaire… Il y a eu autant d’accidents, peut-être plus d’accidents, dans les années 1990 à la Réunion qu’il y en a eu dans ce qu’on a appelé la crise requin. Oui, il y en a eu plus et on n’en a pas parlé à l’époque. Il y avait moins de personnes dans l’eau, il y a plus d’accidents et on considérait que c’était normal un accident par an à l’époque. 

Est-ce que vous pouvez nous dire en quoi c’est tellement important que les requins, en tant qu’espèce dominante, ne disparaissent pas ?

Il y a toutes sortes de théories sur l’animal en fin de chaîne alimentaire, mais de façon plus générale, je pense que n’importe quel animal qui disparaît, surtout des gros animaux en fin de chaîne, c’est quand même quelque chose de dramatique. Regardez ce qui se passe en Afrique ! Toute la faune est en train de disparaître. Alors qu’est-ce qu’on veut comme monde ? On veut que tout disparaisse, qu’il y ait plus que des humains sur terre et du béton ? C’est ça qu’on veut ? 

Je pense qu’il faut préserver cette vie sauvage le plus possible et puis essayer de s’y adapter sans se dire que ça nous présente une petite gêne. Ça représente une gêne minuscule, ça ne tue rien à côté des voitures ou à côté de toutes sortes de choses, mais qui sont intégrées dans les mœurs et on n’y prête pas attention. Et là, un accident avec un requin, ça devient un drame épouvantable. Ça l’est pour les familles, c’est sûr, mais si le jeune était mort en mobylette en sortant de chez lui, c’était tout aussi dramatique. 

Donc une personne qui meurt par an à la Réunion, c’est quoi en comparaison aux 11 ou 12 personnes mortes depuis la dengue depuis le début de l’année à la Réunion ? Combien sont mortes dans les accidents de voiture ? Ce sont des drames individuels et personnels. Mais est-ce que ça justifie d’aller massacrer sans que ça ait un impact sur cette chose-là ? On tue des tas de requins et des tas d’autres animaux. Parce qu’il y a aussi des prélèvements qui se font en pleine réserve. On ne va pas que pêcher le requin ! On pêche des poissons et tout. De temps en temps, ils en relâchent plein devant les caméras, mais combien ne sont pas relâchés et n’apparaissent pas ? 

Actuellement, il y a tout le système de contrôle. Vous savez que la pêche a continué pendant le confinement ? Alors que tout le système de contrôle, qui est très souple (il y a un contrôle sur 10 pêches à peu près) avait disparu. Et à ce moment-là, curieusement, plus une prise accessoire ! C’est-à-dire que d’habitude, on pêche un bouledogue pour une quinzaine d’autres animaux, peut-être plus. Et là, plus rien ! Plus de prises accessoires ! Il y a eu des bizarreries, car on a pu savoir que des animaux avaient été pêchés et commercialisés.

C’est tout le sens de votre action ?

Dans notre action, on essaie de s’opposer à tout ça. Donc actuellement, la piste principale est la piste judiciaire. La pêche locale est à la solde un petit peu de toutes ces choses-là. Donc il est très difficile de publier dans la presse locale depuis quelque temps, quand ils se sont aperçus qu’on arrivait à l’influencer. 

Vous savez, j’ai fait l’objet de toutes sortes de contrôles fiscaux et autres. Et c’est comme ça qu’ils ont aussi été. Alors contrôle fiscal, j’avais un petit peu l’habitude (contrôle Urssaf). Vous savez, je suis dentiste de profession et on est allé m’envoyer les gendarmes de la radiologie. C’est-à-dire que ceux qui contrôlent les centrales nucléaires de France sont venus contrôler mon installation ! 

Ah oui, c’est allé loin ! C’est à dire que la personne qui était chargée de la sécurité dans notre cabinet m’a dit que c’est une première en Europe qu’on vienne contrôler une profession individuellement à la Réunion sur ça. Et le sous-préfet m’a dit : « C’est pas moi, c’est pas moi ! ». Mais c’était la sous-préfète précédente, on le savait !

Vous dérangez beaucoup ? 

On est dans un système où ça dérange. Si vous saviez ce qui se passe et des choses que nous avons transmises au parquet financier, mais c’est abominable ! On est dans un système de corruption extrême qui va très loin.

Anne : On va suivre ça avec beaucoup d’intérêt. En tout cas, merci de nous avoir livré ces révélations, puisqu’effectivement ça en est ! Vous n’en aviez pas encore parlé… 

Oui, je devais faire un communiqué de presse, mais je ne l’ai pas encore fait. Donc vous avez la primeur !

Anne : On est très heureux, premier scoop dans Dans nos Bulles, c’est génial !

Si vous deviez délivrer un message pour sensibiliser les plongeurs et les lecteurs au sujet de votre cause à la Réunion et des actions en faveur de l’environnement et de l’écologie, qu’est-ce que vous aimeriez leur dire avec toute votre expérience accumulée ?

En fait, c’est un petit peu compliqué votre question… Déjà, qu’il faut essayer de préserver un petit peu tout cet environnement, toutes ces merveilles qu’on a autour de nous.

Peut-être, un petit peu recentrer nos valeurs autour de cette protection, sans parler d’écologie politique comme certains. De conservation plutôt ! Je pense que c’est quelque chose qui n’a pas de vocation et de politique. Ça doit être général. 

Je pense qu’il faut aller vers de la conservation et admirer le monde qu’on a autour de nous, puis essayer de préserver ce qu’il en reste. Sinon, quel sens ça a le monde qu’on nous prépare avec du béton ? – Chants d’oiseaux – Vous entendez ? Là, j’ai des oiseaux à côté encore… Il reste quelques oiseaux, quelques animaux… C’est quand même beau quelques papillons, quelques animaux comme ça ! C’est quand même quelque chose de beau… 

Anne : c’est un message très optimiste !

Vous voulez qu’on parle encore un peu des requins à la Réunion ? De ce qui s’est passé globalement ? 

Oui, bien sûr ! Autrefois, il y avait très peu d’accidents. Enfin, il y avait autant d’accidents pratiquement. Mais c’est surtout la localisation des accidents qui se faisait ailleurs. Là, ça se passe sur la partie touristique, donc il y a tout, de suite, qui le subit. C’est comme si ça se passait à Saint-Tropez si vous voulez… À l’échelle de la Réunion donc, ça a tout de suite beaucoup d’impact, car ça se passe dans la zone touristique.

Et ce qui s’est passé à la Réunion, c’est qu’en fait l’environnement a complètement changé. La Réunion, c’est une île où les vents dominants arrivent de l’est-sud-est et sont bloqués par les montagnes. On avait donc toutes ces montagnes qui arrêtaient la pluie, avec des records de pluie sur la côte est et pas de pluie du tout, une zone de sécheresse, sur la côte ouest. Donc sur la côte ouest on avait du corail et le requin-bouledogue est un requin qui aime les eaux saumâtres la pluie et tout ça. Autrefois, il était plutôt cantonné dans l’est.

Et puis on a eu une urbanisation qui a été considérable et on a fait aussi ce qu’on a appelé le basculement des eaux d’est en ouest. C’est-à-dire qu’il y a une sorte de rivière souterraine qui a été créée pour irriguer la côte ouest, en plus de l’urbanisation qui a créé du ruissellement. Donc notre environnement, la mer, la salinité, tout ça a complètement été changé. Alors, le bouledogue circule maintenant autour de l’île, et en particulier dans la côte ouest.

Il y a eu des tonnes de déchets de poisson jetés à la mer entre autres par les usines. Et ça continue à être fait par les pêcheurs locaux, malgré les interdictions. Là aussi, on est dans des histoires qui sont suspectes… Il y a une compensation par les fonds européens des surcoûts à la Réunion. Donc quand vous détruisez des déchets de poisson, il y a un surcoût qui peut être indemnisé par les fonds européens. Business ! Mais, quand le poisson qui est indemnisé finit à la mer, il n’y a pas eu de surcoûts ? Et vous en avez des tonnes et des tonnes ! Par contre, il n’y a pas eu de surcoûts, mais les indemnités peuvent arriver.

Vous avez eu des tonnes et des tonnes de déchets de poisson jetées quotidiennement pas très loin des plages. Du coup, ça fait pas bon ménage ! Il serait intéressant qu’au-delà du parquet financier, toutes ces histoires-là soient vérifiées. Si vous voulez, on a tous les éléments. On sait ce que c’est et c’est connu. C’est dans la presse, mais la préfecture vous répond que c’est légal. Alors que tout est illégal ! On est dans un système qui est extrêmement particulier, j’allais dire qui est pas loin de la république bananière.

Anne : Je vois ça ! Ce que vous nous racontez, c’est impressionnant et assez surréaliste d’entendre tout ça. C’est intéressant, je trouve, de faire sortir ce genre d’information.

Vous continuez à plonger Jean Bernard ?

Oui ! À la Réunion, je plonge beaucoup moins, parce que justement ça m’a pris énormément de temps ces 6 dernières années. Pratiquement, je me suis battu à temps plein, nuit et jour, pour la protection des requins. Donc j’ai beaucoup moins plongé à la Réunion.

Je plonge encore pas mal à Madagascar… Enfin, quand j’en ai l’occasion, parce qu’avec le COVID on n’y va plus. L’an dernier, j’ai eu la chance de participer à la rotation du Marion Dufresne en m’occupant de la logistique et des choses comme ça pour des équipes scientifiques. C’est la troisième fois que je fais ce genre de chose. 

J’ai aussi eu l’occasion de participer comme skipper et de faire toute la logistique du très beau film de Rémy Tezier, qui est sorti il y a quelque temps. Ça s’appelle « Quand baleine et tortue nous montrent le chemin ». Justement, le film de Rémy, c’est de montrer que, quand il y a de la protection, ça marche. On a vu réapparaître les tortues et les baleines grâce à la protection à plus grande échelle bien sûr pour les baleines. Pour les tortues, il y a une grosse protection qui a été faite à la Réunion et on les a vues réapparaître en quelques années. C’est ce qu’a voulu montrer Rémy, et donc il a fait un film. On a eu tellement d’images, que finalement il y aura 2 parties dans le film. Il y en a une qui est déjà sortie sur Arte. J’ai eu la chance de faire toute la logistique et le skipper pour la mission sur Europa où nous avons passé un mois à filmer les tortues et qui sortira dans le prochain documentaire de Rémy.

 Anne : On a hâte de voir ça ! 

Un petit mot de la fin pour faire passer votre mot du jour, votre idée ou votre état d’esprit ?

J’espère que nous aurons l’occasion de nous voir en plongée, dans un monde préservé. Et si vous voulez nous accompagner un jour sur Madagascar, ou pourquoi pas dans les îles Éparses si on a une autorisation, ce sera avec grand plaisir de pouvoir vous montrer ce à quoi ressemble un monde qui est tel qu’il était autrefois.

Anne : Merci beaucoup, et ce serait avec évidemment un immense plaisir. Alors on essaiera de faire ça. Merci beaucoup Jean Bernard, et à bientôt.

À bientôt !

 

 

 

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  • sophieguillousansx
    22 mars 2022 9 h 56 min

    Merci Anne pour cette interview très intéressante. Je vis à La Réunion depuis près de 20 ans et ai plongé un peu partout dans le monde aussi donc ce sujet m’intéresse de près. J’espère que nous en saurons plus très vite sur cette présomption d’escroquerie et qu’elle cessera pour le bien de nos fonds marins et de leur diversité.

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