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Ceci est le podcast n°003 de la rubrique Invités de Dans nos bulles. Cette fois avec l’interview audio de Greg Lecoeur photographe naturaliste renommé né à Nice
Si au lieu de lire un article ou visionner la vidéo vous préférez l’audio, et choisissez de l’écouter plutôt que le lire (plus tard dans votre bain ou dans votre voiture, cet enregistrement a pour objectif d’échanger sur des sujets divers.
Et de mettre en valeur des personnalités que je trouve remarquables du monde de la plongée.
Aujourd’hui c’est au tour de Greg d’être reçu dans Dans nos Bulles… Il est photographe naturaliste et sous-marin. Connu depuis 2016 pour sa photo primée par le National Geographic, son cliché pris lors du sardine run en Afrique du sud en 2015, sa carrière a pris un tour résolument international. Fier de sa ville et amoureux de la Méditerranée au bord de laquelle il est né, il a pris de son temps (et on lui dit « merci » !) pour revenir sur ses débuts, son actualité, ses succès et des anecdotes sur ses voyages hors du commun.
Si vous avez envie de voir l’interview en vidéo, soyez curieux et après le podcast retrouvez l’article complet. Vous y retrouverez l’adresse de son site et où se procurer ses livres et ses photos.
Interview réalisée en zoom… Le son n’est hélas pas toujours optimum ! Avec nos excuses mais le contexte limite les possibilités d’interview en présentiel !
Retranscription de l’interview de Greg Lecoeur
Anne : Bonjour Greg et merci de participer à cette émission de Dans Nos Bulles. Ça me fait super plaisir, parce que tout le monde le sait, ce n’est vraiment pas un secret, on est ami de longue date. Tu es Niçois et en plus tu es un photographe de renom. Maintenant, tu es internationalement connu et, très fort, tu es connu à Nice. C’est ce qu’on a eu le plus de mal à faire finalement, parce que tu étais plus connu à l’étranger que chez nous. Donc rapidement, si tu veux bien, on va discuter un peu de tout et de rien. De ton actualité, mais surtout, j’aimerais qu’on revienne sur le début de ton engagement dans cette carrière. Parce qu’elle est quand même totalement atypique et hors norme !
Comment est-ce qu’un niçois, qui peut-être ne se destinait pas du tout à ça, est arrivé à la photographie du monde sous-marin, des animaux et cette envie de voyager et de faire de la plongée un peu partout aux 4 coins du monde ? Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur toi ?
Alors oui, bien sûr ! Bonjour et merci pour cet entretien. L’histoire, elle a commencé en fait il y a très longtemps. Tu sais que je suis originaire de Nice et, du coup, j’ai été un petit peu bercé entre la Méditerranée et le parc du Mercantour, donc la montagne. Depuis tout petit, j’ai eu cette attirance pour la nature, et la biologie marine a pris le dessus ! Après, j’ai grandi, j’ai une vie un petit peu comme tout le monde et j’ai travaillé avec mon père. Ensuite, j’ai créé ma propre société.
Tout mon temps libre, je l’ai passé à des plongées et à naviguer. Un jour, j’ai décidé vraiment de franchir le pas et de vivre ma passion si tu veux. Ça a toujours été en moi, un petit peu comme un hobby, une grosse passion et j’ai décidé un jour de prendre le risque et de vivre cette passion jusqu’au bout et d’en faire mon métier.
Tu n’es pas déçu depuis, j’imagine ?
Non, pas du tout ! Je ne pensais pas en arriver jusque-là. C’était pour moi un changement de vie, donc j’ai voyagé avec mon appareil photo et mon sac à dos pendant un an autour du monde. C’est ce qui m’a vraiment permis de créer mon style photographique. J’ai eu la chance de voyager dans plusieurs océans, plusieurs mers, et chaque fois c’est des conditions un petit peu différentes. Je travaillais comme moniteur de plongée, donc ça m’a permis de rester sur place un moment et de vraiment approfondir mes techniques.
Anne : Tu sais que tu es quand même atypique pour un niçois ! Parce qu’en général, les Niçois, ils ont beau dire qu’ils aiment la mer, ils préfèrent la montagne. Ils sont toujours en montagne… C’est d’ailleurs pour ça qu’on a un littoral qui est peut-être insuffisamment connu, et je tiens déjà à ce stade à saluer ton engagement pour essayer de nous faire connaître, nous les ignares de Niçois, ce qu’on a dans notre belle Méditerranée. Ce que tu avais fait il n’y a pas si longtemps avec une magnifique expo sur la promenade des Anglais qui a eu un gros succès. Et c’est vrai que c’est un effort louable, parce que finalement on se rend compte qu’ils sont plus montagnards que marins, étrangement, parce qu’on a quand même un patrimoine remarquable.
Est-ce que tu peux nous dire un mot de ce qu’on voit au large de Nice ?
Oui, bien sûr ! Alors moi, c’est de là que tout est parti en fait. C’était un jour en naviguant au large, je savais qu’il y’avait des dauphins, donc j’ai croisé des dauphins. Puis j’ai commencé à croiser des animaux que je ne m’attendais pas forcément à trouver en Méditerranée. Jusqu’au jour où j’ai croisé ce banc de globicéphales qui a vraiment été une révélation ! Je ne sais pas si tu as eu la chance d’en croiser un, mais c’est vraiment quelque chose d’assez incroyable ces animaux qui sont très intelligents, très sociaux. Ce qui m’a le plus marqué, c’est que du bateau, on peut les entendre communiquer entre eux, chanter. Voilà, ce jour-là, il s’est passé vraiment quelque chose d’assez incroyable.
L’ambiance de cette Méditerranée, la mer était d’huile, tu peux voir les rayons qui transpercent l’eau et ces animaux. Il y avait à peu près quatre-vingt-dix individus qui étaient là, autour du bateau. Il y a vraiment quelque chose d’assez incroyable que j’arrive des fois à vivre ! Mais souvent, c’est en voyageant au bout du monde. Et au final, ce soir-là j’étais chez moi et ça paraissait vraiment irréel en fait.
Du coup, j’ai commencé à m’intéresser à cet écosystème du large. Et voilà, en y passant du temps, j’ai commencé à croiser des tortues, des raies, des requins… Je me suis immergé aussi la nuit, car il faut savoir que le jour on va trouver des animaux comme les cétacés, les raies, les requins et plein d’autres grosses bêtes. La nuit, c’est le plancton qui va émerveiller, qui va émerger des profondeurs pour venir en surface. Donc on va s’immerger dans la nuit aussi pour documenter le plancton. Alors voilà, il y a vraiment un écosystème ! C’est un endroit qui est vraiment féerique et très intéressant.
À Nice, et c’est un petit peu partout en Méditerranée d’ailleurs, moi qui voyage un petit peu, on a tendance à dire que la Méditerranée c’est une mer, je dirais pas morte, mais polluée, où il n’y a pas forcément grand-chose à voir. Alors que non, même si la Méditerranée est une mer qui représente moins de 1 % de la surface des océans et des mers, elle abrite 10 % de la biodiversité. Incroyable ! Et non, la Méditerranée n’est pas une mer morte. Elle est peut-être mal aimée, mal connue aussi, et c’est peut-être pour ça qu’on ne s’y intéresse pas tant que ça.
L’idée en fait, c’était de présenter aux Niçois dans cette exposition qui s’appelait « un Souffle en Méditerranée » cet écosystème et de dire qu’au large de chez nous, il y avait des baleines, des dauphins, des tortues. Voilà, toutes ces espèces un petit peu emblématiques qu’on imagine trouver dans des paysages un peu plus tropicaux, mais on les a aussi chez nous.
Anne : Alors grâce à toi, j’étais allé aux Philippines et on avait eu la chance de croiser le chemin de plusieurs requins-baleines. Mais c’est vrai qu’on a de la peine à imaginer qu’il y a toute cette richesse près de chez nous. Et on n’a pas encore eu l’occasion de pouvoir faire une plongée en Méditerranée, mais j’espère vraiment que tu arriveras à me montrer toutes ces beautés autrement que par l’objectif de l’appareil photo, même si déjà ça donne une idée. Je me rappelle de cette expo sur la « prom. », elle était remarquable et en plus elle avait intéressé vraiment de nombreuses classes de Niçois qui étaient venus sur la promenade des Anglais pour te rencontrer et puis pour voir ces photos. Donc voilà, il y a vraiment un gros travail à faire là-dessus et on te remercie, parce qu’avec tes photos, tu nous fais rêver. Et justement, tes photos, je voudrais y revenir 2 secondes. Tu as un procédé qui est quand même assez particulier. On en voit beaucoup des photos sous-marines, mais les tiennes elles se détachent. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui, tu as cette carrière internationale avec tous ces prix qui tombent. Tu as une manière de travailler la lumière et le mouvement qui est assez singulière, et puis on dirait presque par moment des tableaux et pas des photos. Donc évidemment, je ne vais pas te demander de dévoiler tes secrets, parce que tes concurrents risquent d’essayer de regarder ce qui se passe, en tout cas, j’imagine.
Est-ce que tu as découvert un process particulier qui a fait que tu as pu travailler la photographie différemment ?
Alors je vais répondre à ta question, mais déjà je vais revenir sur une chose. Donc, tu parlais d’aller plonger ensemble. On connaît beaucoup mon travail sur le grand large, sur les animaux comme les baleines et les dauphins, mais il faut savoir aussi que partout où on va dans le monde, notamment chez nous aussi en Méditerranée, à chaque endroit on me pose souvent la question : « Quel est le plus bel endroit où tu as plongé, quelle est ta destination préférée ? ». En fait, c’est impossible de répondre à cette question, parce qu’à chaque fois qu’on va aller quelque part, on va tomber sur un écosystème différent. Il y en a partout, si on est un peu curieux, si on creuse, on va trouver des choses intéressantes, des choses qu’on n’attendait pas. C’est ce qui fait un petit peu le charme de l’exploration !
Partout où on va, la nature est omniprésente. Et chaque endroit a vraiment sa particularité. Voilà, il faut être curieux, il faut chercher, il faut persévérer, mais on trouve toujours des choses très intéressantes à documenter. Par exemple, si je te dis que si je t’emmène plonger de nuit sur la Promenade des Anglais, on risque de voir des squilles de mer, des hippocampes ou des murènes serpentines qui sont fluées dans le sable. Mais voilà, c’est vraiment des espèces qu’on n’imagine pas, alors qu’on passe tous les jours devant.
Donc ça fait partie aussi de cette quête photographique d’aller trouver des espèces, trouver des sujets en fait, qui vont se prêter à l’originalité, surprendre. Parce que c’est aussi pour ça qu’on me connaît. C’est pour aller toujours chercher des choses qu’on n’attend pas forcément, des espèces un petit peu spéciales. Et moi, c’est ce qui me fait vibrer ! C’est parce que la photo, la biologie, tout ça. En fait moi, ce que j’aime, c’est la nature, aller au contact des animaux. Donc du coup, c’est un petit peu des excuses et du coup je cherche des espèces qui me font vibrer, qui vont vraiment assouvir ma passion de la biologie marine. D’aller à la rencontre et de les photographier, pour ensuite partager.
En termes d’image, oui, mon style photographique, puisqu’aujourd’hui les gens le disent, j’ai vraiment développé ce style photographique, il s’est fait au cours des années. Comme je te disais au début de notre entretien, le fait de voyager dans toutes les mers du monde, et notamment aux Galapagos, car c’est de là que tout est parti, ça m’a permis de passer du temps aux Galapagos.
Donc il faut savoir une chose, que tu peux aller tous les jours sur le même site de plongée, ça ne sera jamais les mêmes conditions. Ça veut dire qu’un jour tu vas avoir de l’eau bleue cristalline, le lendemain elle va être verte avec une visibilité horrible. En fait, tout ça m’a déjà permis de pouvoir m’adapter et de développer mes réglages photos en fonction des conditions de plongée. Ensuite, tu as la partie editing qui permet aussi d’apporter cette petite touche graphique personnelle. Par contre, quand je suis dans l’eau par exemple, je fais mes réglages en fonction de l’image que j’ai en tête et la touche d’editing que je vais apporter.
Ça veut dire que tout est lié et ce n’est pas juste d’aller d’appuyer sur un bouton et après passer des heures éventuellement à retoucher une photo. Quoi que ce soit d’ailleurs, ça me dérange un petit peu moi quand on parle de retouche. Il faut savoir qu’à l’époque de l’argentique, on utilisait des pellicules qu’on mettait dans les chambres noires et des bacs, et on faisait ce qu’on appelle du développement. Aujourd’hui, ce développement s’effectue, parce qu’on utilise un format raw, qui est au format brut, contrairement à une photo avec, par exemple, un iPhone, qui va avoir un capteur et développer une photo et faire ses propres usages. Nous, on va développer sur des logiciels, notamment Lightroom, sur des logiciels de développement et non de retouche.
Alors, c’est sûr qu’avec les technologies d’aujourd’hui on peut aller très loin. Donc moi, j’essaie de garder vraiment une limite à ne pas dépasser, parce qu’après ça devient plus vraiment de la photographie. Même si aujourd’hui c’est de l’art digital et le développement photo sur les logiciels comme Netroom, c’est de l’art aussi.
Anne : Complètement ! D’ailleurs oui, effectivement, c’est artistique. Et pour moi, tu n’es pas photographe, tu es vraiment un artiste de la photo. C’est ce qui ressort par rapport à d’autres. Voilà, c’est ce qui fait ta différence, c’est ton ADN ! Enfin, c’est les appréciations que moi je peux porter sur ce que tu fais et je ne suis pas la seule.
Quels sont tes projets à court terme, est-ce que tu as un souvenir qui se détache et aussi un pire souvenir en plongée ? Ça nous permettra de te connaître un peu mieux dans l’intimité.
Alors, déjà, concernant ma politique en tant qu’artiste, sache que j’essaie de plus en plus de m’engager pour des postes pour l’environnement et la préservation des océans. L’idée, c’est un petit peu de mettre l’art au service de la sensibilisation et de la préservation des océans. Donc ça, c’est une première chose qui, pour moi, est très importante.
En termes d’actualité, comme tu le sais, on vient de sortir un livre avec Guillaume Néry et sur notre expédition en Antarctique. Je travaille actuellement sur un autre projet de livre avec un autre apnéiste qui s’appelle Pierre Frolla qui est à Monaco. Donc le projet s’appelle « le Cœur de l’Océan » où on essaie un petit peu de reconnecter l’homme et la nature dans un projet artistique très poétique. On va placer l’homme au cœur de la nature dans des décors avec des rencontres animalières assez hallucinantes.
Voilà, et donc après j’ai vraiment 2 axes en termes de projets qui sont, en premier, la Méditerranée pour promouvoir Nice. Je trouve que j’ai vraiment quelque chose à faire ici, qu’il y a quelque chose de grand à faire pour, je ne vais pas dire redorer le blason de la Méditerranée, parce que ce n’est pas du tout ça, mais pour refaire découvrir. Je n’ai pas envie de réinventer les choses, mais j’ai envie de revisiter peut-être la Méditerranée avec mon nouveau regard et mon œil photographique, ma signature d’artiste
Anne : Alors à ce stade je te coupe pour dire qu’on n’a pas le droit d’en parler, mais qu’il y a des tas de projets sur le feu et que l’on compte sur toi effectivement au niveau niçois pour justement nous aider à, comme tu le disais, ne pas redorer le blason, mais en tout cas faire davantage connaître les merveilles qu’on a chez nous. Comme on n’a pas le droit d’en parler, alors on n’en parle pas ! Mais voilà, sachez tous ce qu’il se prépare plein de choses. À suivre donc…
J’aimerais aussi travailler un petit peu sur les pôles, donc en Antarctique et ça me fait très envie d’aller explorer l’Arctique. Donc voilà les pôles et la Méditerranée sont les 2 gros axes intéressants.
Ensuite, pour répondre à ta dernière question concernant les plongées anecdotes, c’est compliqué pour moi, parce que j’ai vécu plein de choses. Mais on va dire qu’il y’a eu des plongées qui m’ont vraiment marquées. Alors je vais commencer avec celle de L’Afrique du Sud forcément, pendant le Sardine Run.
Je m’en rappelle très bien, c’était en 2015, on est allés documenter la migration des sardines. Pour ceux qui ne connaissent pas l’événement du Sardine Run, les sardines migrent en passant le long des côtes africaines et vont attirer tous les prédateurs marins qui chassent à l’unisson dans un festin qui attire de nombreux prédateurs, notamment les dauphins, les requins, les otaries, les baleines, les manchots et puis forcément les fous du cap, qui sont pour moi des animaux incroyables qui plongent à plus de 100 km heure et transpercent la surface de l’eau.
On se retrouve à une vingtaine de mètres à attraper des sardines. Et donc cette année-là, c’était une très mauvaise année pour les sardines, les conditions étaient aussi très mauvaises, on a trouvé des conditions d’eau très claire. Donc il y a des courants et une eau un petit peu verte parce qu’il y a énormément de planctons. Enfin bon, bref, juste pour dire que cette année-là, il n’y avait pas beaucoup de sardines et pas beaucoup d’action. Et des conditions en plus qui n’étaient pas au meilleur.
Mais j’ai quand même réussi à faire cette image qui était élue photo de l’année par le National Géographique. Cette aventure était en plus une aventure géniale au niveau humain, j’y ai fait des rencontres incroyables. C’est ce que j’aime beaucoup dans ce que je fais, c’est qu’en général on voit juste le résultat final, donc une photo. Alors j’essaie, à travers mes photos, de raconter des histoires, vraiment, de faire parler les images. C’est pour ça que tu parlais un petit peu de mouvement d’action et de choses comme ça.
L’idée, c’est qu’il y a une manière d’approcher les animaux, il y a une manière d’anticiper leur comportement. Et au travers de cette photo, on va quand même nous, vivre un voyage, rencontrer des gens qui, ils le savent, j’adore. Et cette année-là, ce voyage était vraiment quelque chose d’assez exceptionnel, sous l’eau comme sur terre.
Si je devais revenir à cette incroyable aventure en Antarctique, ça a été très dur. Déjà, pour se rendre là-bas, une expédition avec Guillaume et Florian, on se rend un petit peu compte de ce qui se passe en Antarctique. On entend beaucoup parler du réchauffement climatique, parler de ces changements. Mais chez nous, je ne sais pas si toi à Nice tu arrives à vraiment percevoir ces changements ? Alors oui, on les a vécus malheureusement, mais est-ce qu’il y a un lien avec tout ça ? Voilà, je pense que oui, mais c’est plus important et malheureusement il faut qu’il y ait des événements dramatiques pour qu’on se dise : « Ah oui, c’est peut-être en train de changer. Il faudrait peut-être agir et faire autrement ».
Et nous, quand on a été là-bas, donc on était à la voile déjà, pour limiter notre empreinte carbone, et là on est parti d’Ushuaia pour rejoindre la péninsule. C’est cinq jours de navigation de merde, ce qu’on a appelé le passage de Greg. Pour ça, après, je vous invite à lire le livre en particulier. Pour aller là-bas, on a été victime entre guillemets du bouleversement climatique, on a eu vraiment du mal à trouver cette fenêtre météo qui nous a laissé un petit passage pour pouvoir naviguer dans ces conditions très difficiles. Et alors sur place, avec Guillaume, donc Florian malheureusement était fatigué ce jour-là et il n’est pas sorti, mais avec Guillaume on a vécu quelque chose d’assez incroyable.
C’est ce que j’aime beaucoup en photographie, c’est-à-dire qu’à la base, notre maquette photographique, c’était d’aller documenter les léopards. Des prédateurs assez incroyables qui vivent dans l’endroit le plus hostile de la planète. Et moi, j’ai focalisé vraiment sur la rencontre avec le léopard, qui a eu lieu finalement à la fin de l’expédition et on avait vu quelque chose d’incroyable, de génial.
Mais un jour, avec Guillaume on est sorti et on a repéré un petit groupe de phoques et on s’est mis à l’eau avec eux. Et alors là, on avait vraiment quelque chose de génial ! Il y avait ces quatre ou cinq phoques qui s’amusaient à faire une espèce de cache-cache autour de cet iceberg. Ils rentraient dans des galeries et en ressortaient. Vraiment, un super spectacle, une espèce de ballet sous-marin dans une eau à moins un degré. L’ambiance et le panorama étaient assez incroyables, mais c’est surtout quelque chose qu’on n’attendait pas ! À aucun moment, je n’imaginais aller m’immerger comme ça avec des phoques crabiers. Donc après, il a fallu saisir l’opportunité, voilà, être un petit peu opportuniste, et s’adapter. Donc j’ai réalisé ce cliché qui est finalement la couverture du livre et a été élue l’année dernière photo sous-marine de l’année.
Anne : Oui, parce que maintenant, tu es un régulier des prix je veux dire. Voilà, on ne le dit même plus, mais c’est vrai que ça a commencé avec le National Geographic, mais en fait, depuis ça, ça n’a plus arrêté. Et jusqu’à l’année dernière encore, avec cette photo extraordinaire que je mettrai dans l’article, comme ça les gens la verront en même temps.
Maintenant, tu es blasé finalement de tous ces prix ?
Alors non ! Non, je ne suis pas du tout blasé, parce que les concours photo, c’est une manière pour les photographes de faire parler du monde marin. Ça, pour moi, c’est très important. Ça permet de faire l’actualité, de faire connaître son travail.
Alors à savoir qu’au début, quand j’ai commencé, j’ai voulu faire une carrière. Après ce tour du monde, je suis revenu avec mon portfolio. Quand j’ai proposé à un magazine de publier mes premières images, le magazine m’a répondu : « Vous avez des images incroyables, mais par contre vous êtes qui ? ». Et là, j’ai dit : « Eh bien, je suis Greg de Nice et j’aimerais bien faire carrière dans la photographie sous-marine… ». Et là, il m’a un petit peu ri au nez ! Il m’a dit : « D’abord, tu vas te faire un nom, puis après tu viendras nous retrouver ». C’est sûr, c’était une déception. Alors pas tous les magazines m’ont répondu comme ça, il y avait un magazine qui a répondu comme ça et c’était un des premiers que je sollicitais. Alors j’ai posé la question : « Comment on se fait un nom ? ». Ils m’ont répondu : « Il y a le Festival d’image sous-marine dans quelques mois et tu n’as qu’à t’inscrire et puis tu verras ton niveau ».
En fait, je me suis inscrit, ce qui pour moi à la base est quelque chose de carrément contradictoire, parce que pour moi la photo, à la base, c’est le partage et ce n’est pas une compétition. Parce que voilà, c’est de l’art et puis c’est très subjectif. Je montre une photo aux jurys et d’une personne à l’autre la réaction est différente. Même la même personne, en fonction du jour où il va se lever, il va juger une photo différemment. Donc c’est très subjectif, et au final, ça ne veut plutôt ne rien dire. Parce que dans un concours, tu peux avoir dix photos qui vont gagner le concours, puis ce jour-là tu as la chance et c’est la tienne qui sort. C’est juste pour dire que ça permet de partager notre façon de travailler.
Alors après, je dirais que si j’ai un petit message à passer aux photographes, c’est qu’attention, aujourd’hui, il y a des concours photo de partout. Tous les jours, je reçois des mails pour participer à des concours et, du coup, ça perd un petit peu d’authenticité et de qualité. Et aussi, les magazines profitent de l’occasion des concours et des palmarès pour utiliser des images un petit peu gratos qui leur permettent de faire un joli magazine. Donc voilà, ça marche un peu comme ça. Moi, aujourd’hui, j’ai carrément levé le pied sur les concours, pas que je n’en fais plus, mais en tout cas voilà, ça reste quand même un concours photo. Si jamais vous participez, la base c’est de partager et surtout parler du monde marin.
Alors je me suis inscrit au festival mondial de l’image sous-marine et j’ai remporté la catégorie portfolio avec un plongeur d’or. Et le lendemain, j’avais ce magazine, entre autres, qui me contactait pour publier mes images que je leur ai présentées deux ou trois mois à l’avance et qui m’avait dit de revenir quand je me serai fait un nom.
Anne : Ah, tu n’as pas mis longtemps !
Donc voilà, de fil en aiguille, ça m’a permis d’avancer avec le National Geographic et d’autres concours. Mais aujourd’hui, je suis plus en train de basculer dans la partie jury.
Anne : Bien sûr, normal ! Ça reste une façon de communiquer. Quoi qu’il en soit, même si effectivement on souhaite que le mode de communication soit différent à partir de bientôt.
Il nous reste quand même ton pire souvenir en plongée ?
Alors mon pire souvenir… Moi, j’ai que de bons souvenirs en plongée ! Tu vois donc, c’est un petit peu compliqué, mais j’ai juste une petite anecdote intéressante. C’était au Mexique, on plongeait avec les otaries, maintenant qui est devenu très connu, mais à l’époque, c’était un endroit qui n’était pas encore très connu. Donc je vais citer le nom, Los Islotes, c’est donc un endroit reconnu pour justement aller plonger avec les otaries, ce qui est quelque chose d’assez exceptionnel. Moi, c’est peut-être ce que je préfère le plus, c’est qu’il y a vraiment une interaction. Je ne sais pas si on peut dire interactions, mais elles viennent au contact. Elles sont curieuses, elles sont habituées à l’homme et on vit toujours des moments émotionnellement très fort avec elles.
Je me souviens ce jour-là, ou en fait il y a un endroit au pied de ce petit rocher… pour savoir que ce n’est pas un petit, mais c’est un gros rocher en fait… sur lequel il y a plusieurs milliers d’otaries qui vivent là. Et les jeunes sont très taquins, très joueurs et quand on va plonger, ils viennent au contact des plongeurs. Il y a un endroit, une petite grotte un petit peu en surplomb, où vous rentrez à l’intérieur. Et là, c’est un fief ! Il y a beaucoup d’otaries qui vous prennent un petit peu à partie. Donc elles vont vous arracher votre cagoule, tirer votre détendeur.
Faut savoir qu’on est dans 3 ou 4 mètres d’eau, donc il n’y a aucun risque. Sauf que ce jour-là, alors qu’on était en train de faire des images et des vidéos, d’un seul coup, elles ont disparu ! On a entendu ce gros mâle arriver de loin, et puis il s’est posté à l’entrée de cette grotte et nous a regardé avec un air un petit peu, je ne sais pas, ils ont l’air un petit peu bête des fois quand ils nous regardent… On était là, et on ne savait pas trop quoi faire ! Il faut savoir que c’est vraiment un animal incroyable et surtout très puissant ! Oui, les mâles ont une force incroyable et ils sont très territoriaux. Vous imaginez ? C’est peut-être de la taille d’un ours !
Vous voyez donc, vous êtes dans l’eau avec un ours dans 3 mètres d’eau dans une grotte et lui, il bloque la sortie. Et là, en fait, on a rasé les murs et on est remonté direct au bateau sans demander notre reste. Voilà, alors là on s’est fait avoir, et on évite d’aller dans les grottes avec des otaries maintenant. On était trop près de leur nid en fait.
Anne : Effectivement, moi qui suis un peu claustro cette anecdote me fait frémir ! Donc oui, je comprends que ce ne soit pas un très bon souvenir, c’est sûr !
Mais bon, j’en garde quand même un bon souvenir, même si c’était un moment très intense !
Pour terminer notre rendez-vous, peux-tu encore nous dire deux mots sur tes projets ?
Alors oui, il y a ce livre, Antarctica, avec Florian Fischer et Guillaume Néry, disponible sur mon site internet greglecoeur.com.
Anne : Ce n’est déjà plus un projet, mais c’est quand même dans ton actualité, donc ça mérite d’être souligné !
Oui, voilà ! C’est la promo du livre qui est sorti pour les fêtes de Noël. Et donc, on est en train de mettre en place des expositions, des rencontres. Alors tu sais, avec la situation qu’on vit actuellement — Covid-19 — c’est un petit peu compliqué. À la base, le livre devait sortir pour le salon de la plongée dans laquelle on avait une exposition et qui sera reportée à l’année prochaine.
Voilà, donc je pense que moi j’ai hâte de cet événement qui permettra de voir toute la communauté de la plongée et en faire une belle exposition et pouvoir faire des rencontres avec le public et les séances de dédicace.
Anne : On a hâte vraiment ! Après, les projets sur la ville de Nice, comme je le disais tout à l’heure, on ne peut pas en parler, mais ils sont dans les tuyaux.
Je crois que tu as une belle émission aussi qui va arriver dans pas longtemps ?
Oui, bien sûr ! Donc voilà, c’est qu’entre dire des choses et faire des choses, il y’a souvent un gros palier ! Mais oui, j’ai plusieurs petites interventions médiatiques dans les prochains mois sur la Méditerranée et notamment Thalassa, certainement pour le mois de juin, avec une petite expédition pour présenter l’écosystème méditerranéen.
Anne : C’est génial ça ! Tu nous tiendras au courant en temps utiles. Et puis écoute, moi en guise de conclusion, de dire qu’on a beaucoup apprécié notre séjour aux Philippines avec toi. Donc on attend que tu nous proposes une autre destination comme ça.
Tu as parlé des Galapagos tout à l’heure, est-ce que c’est une destination que tu nous recommanderais ?
Carrément ! C’est dans le top 5, je dirais. Les Galapagos c’est vraiment une destination exceptionnelle. Après, il y a plusieurs manières de le faire… Forcément, Darwin and Wolf il n’y a pas 36 manières de la faire… donc c’est une croisière et il faut trouver le bon bateau et le bon itinéraire. Donc écoute, avec grand plaisir pourquoi pas en discuter, t’amener là-bas et te faire visiter les Galapagos.
À savoir que j’y ai vécu 3 mois, donc je connais très bien et c’est un endroit qui est exceptionnel. Juste pour donner une petite envie d’y aller, imagine-toi marcher en ville et tu as les iguanes marins qui traversent la route, les otaries qui dorment sur les bancs et les pélicans qui sont au marché et qui font leur propre marché.
Anne : Waouh ! Oui, ça donne envie ! Et puis de toute façon, tu dis toujours les choses de telle manière que ça donne envie, quoi qu’il arrive. On voit que tu as tout un monde imaginaire et ça explique pourquoi tes photos sont si belles. Tu sublimes les animaux, et même les gens. Parce que tu nous as fait de belles photos ! J’ai une magnifique photo souvenir grâce à toi, avec Jean-Mi, mon binôme dans la vie et en plongée. C’est un bon souvenir, et merci beaucoup Greg.
Merci de nous avoir donné du temps, est ce que tu as envie de dire un petit mot en conclusion ?
Oui ! J’ai hâte que la situation se termine — Covid-19 —. Donc, j’ai envie de dire aux gens, s’il vous plaît, restez chez vous ! Ce n’est pas parce que le gouvernement nous dit qu’on n’est pas confiné qu’il ne faut pas se confiner. Plus on va rester chez nous, plus vite on sortira de cette période qui, maintenant, commence un petit peu à durer et à être compliquée.
Anne : C’est un mot de la fin tout à fait d’actualité, merci de l’avoir précisé.
Personnellement, j’ai très envie de voyager. J’ai la chance de voyager pour des raisons professionnelles, mais je joue le jeu et j’essaie de rester confiné au maximum. Et ça ne me déplaît pas non plus, parce que ça me permet aussi de profiter de ma famille
Anne : Oui, ce n’est pas neutre ! Profitons des proches pendant ce temps-là. Tu as raison et on profitera des voyages plus tard. Merci beaucoup pour cet entretien et puis à bientôt pour d’autres aventures. Ciao Greg !
Merci Anne, à très bientôt.